Article thématique
Exportation des innovations suisses
Prendre pied à l’international avec les innovations suisses
La Suisse possède peu de ressources naturelles. L’or de la Suisse, ce sont la formation, la recherche et le développement innovant. «Pour un petit pays enclavé comme la Suisse, il est essentiel d’investir sans cesse dans les cerveaux, de faire de la recherche de pointe, de développer des solutions innovantes et de sortir des sentiers battus», déclare Felix Moesner, consul et CEO de Swissnex au Japon. Cette stratégie fonctionne: Pour la onzième année consécutive, la Suisse est le pays le plus innovant au monde selon le Global Innovation Index (GII).
Malgré son classement en tête des comparaisons internationales, la Suisse ne doit pas se reposer sur ses lauriers, souligne Felix Moesner, qui, depuis plus de dix ans, connecte pour Swissnex des start-up, des entreprises et des instituts de recherche suisses au niveau international, et qui porte un regard de l’intérieur, mais aussi de l’extérieur sur le paysage de l’innovation en Suisse. «L’innovation est notre moteur – et nous devons l’entretenir». D’autres pays comme la Suède (2e du GII) ou les Etats-Unis (3e) nous talonnent.
Un saut dans le vaste monde
La grande capacité d’innovation de la Suisse et les excellentes conditions-cadres pour l’économie et la recherche sont des bases optimales pour créer des produits et des services qui conquerront le monde. A cela s’ajoute le fait que le marché suisse est limité en raison de sa taille.
En 2020, selon les statistiques douanières, l’économie suisse a livré pour 225 milliards de francs de marchandises à l’étranger (hors commerce de transit). Près de la moitié de cette somme concerne des exportations vers des pays de l’UE. Les principaux produits exportés par la Suisse proviennent de l’industrie chimique et pharmaceutique (52%) ou sont des machines (13%), des montres (8%) et des instruments de précision (7%).
Le Global Entrepreneurship Monitor (GEM) 2020/21 montre également que l’exportation est un thème important pour les créateurs d’entreprise dans notre pays. Selon ce rapport, deux tiers des start-up suisses prévoient de générer un chiffre d’affaires à l’étranger. Par comparaison avec plus de 60 pays, les start-up suisses sont plus internationales que la moyenne.
Succès international pour les baskets et la viande végétale
Le parcours de la création d’une entreprise jusqu’à l’exportation fructueuse dans d’autres pays est long – et semé d’embûches. Néanmoins, de nombreuses PME et start-up soutenues par Innosuisse parviennent assez rapidement à s’imposer sur la scène internationale depuis la Suisse. C’est notamment le cas du fabricant de chaussures On, qui s’impose face aux géants internationaux du secteur avec ses chaussures de course innovantes. Ou encore de la jeune start-up zurichoise Planted, qui propose des alternatives durables à la viande, à base de plantes. A peine créée, la start-up s’est lancée à l’assaut de l’Europe, et connaît un succès croissant.
Margaux Peltier, CEO d’Enerdrape, perçoit également un fort potentiel pour commercialiser un jour sa solution d’énergie durable à l’étranger. Cette spin-off de l’EPFL a conçu des panneaux spéciaux, capables d’utiliser la chaleur géothermique et la chaleur résiduelle pour chauffer ou refroidir des bâtiments. «Notre technique est suffisamment au point pour nous permettre de nous étendre immédiatement à l’étranger, mais nous avons encore besoin de temps pour réussir la commercialisation.»
Même si la start-up n’en est qu’à ses balbutiements, plusieurs entreprises en France, en Grande-Bretagne, au Canada, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis ou en Allemagne ont déjà manifesté leur intérêt pour son idée. Margaux Peltier: «En Suisse, l’innovation revêt une grande importance. C’est essentiel pour le développement, mais aussi pour l’accès au marché. Mais pour réussir à long terme au niveau international, il faut également trouver les bons partenaires à l’étranger».
L’aide au démarrage sur des marchés étrangers
Innosuisse aide précisément à trouver les bons partenaires au niveau international – au travers de différentes offres, comme la mise en réseau avec des acteurs internationaux. Le réseau Enterprise Europe Network (EEN) aide notamment les entreprises à trouver des partenaires de coopération internationaux ciblés. Les start-up peuvent également participer à des salons internationaux ou à des camps d’internationalisation dans différents pays du monde. Oxyle et Art Recognition ne sont que deux exemples d’entreprises qu’Innosuisse a soutenues adéquatement.
Pour satisfaire à la demande croissante d’internationalisation, deux nouveaux camps viennent d’être ouverts en Corée du Sud et au Japon. Comme la majorité des onze autres sites, le Market Entry Camp au Japon est placé sous la direction de Swissnex. En tant que réseau officiel de la Confédération, Swissnex aide les start-up suisses à prendre pied sur les marchés étrangers. Felix Moesner, co-initiateur et gérant du camp au Japon, s’étonne: «Dans les mois qui ont suivi l’ouverture, nous avons été assaillis par des investisseurs japonais et les structures de capital-risque d’entreprises désireuses de prendre des participations dans des start-up suisses. Nous sommes submergés par l’immense intérêt suscité.»
De nombreuses entreprises japonaises disposent d’un important pécule, explique Felix Moesner. «Elles souhaitent investir dans des projets d’innovation pour intégrer les nouvelles tendances et renforcer leur réservoir d’innovations. De plus, les start-up qui incarnent l’âme suisse ont des valeurs similaires et le même degré de qualité. C’est précisément ce qui impressionne les Japonais. Pour eux, ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité.»
La provenance suisse comme bonus
La «marque Suisse» est synonyme de cette qualité. Le label «Swissness» permet de commercialiser facilement des marchandises et des services dans le monde entier. Les entreprises suisses sont depuis des décennies réputées pour leur précision et leur fiabilité.
Pour qu’un produit ou un service puisse être qualifié de «suisse», il faut qu’au moins 60% du coût de revient corresponde à des opérations effectuées en Suisse. «Cela concerne par exemple les coûts des matériaux et de la fabrication, mais aussi la recherche et le développement», précise Thierry Calame, membre du Conseil d’administration d’Innosuisse et expert en droit des marques et des brevets. De plus, l’activité qui confère au produit ses «caractéristiques essentielles» doit également être effectuée en Suisse. «Il est relativement compliqué de calculer la "part de suissitude". Mais en fin de compte, il s’agit toujours de ne pas tromper les consommateurs ni les induire en erreur.»
L’artisanat plutôt que les produits high-tech par le problème des clichés sur la Suisse
L’expansion hors de Suisse peut constituer un défi, en particulier pour les entreprises technologiques. En effet, contrairement à ce qui ressort des comparaisons et études internationales, le grand public ne perçoit souvent pas encore la Suisse comme un pays innovant, notamment sur les marchés plus éloignés.
Felix Moesner en a fait l’expérience aux Etats-Unis, en Chine et au Japon. Contrairement à l’élite éduquée, mobile et anglophone, qui a une image plus nuancée des atouts de la Suisse, les valeurs et les clichés qui lui sont traditionnellement attachés dominent dans la perception du grand public: une nature intacte, la fiabilité, la sécurité, la neutralité et la prospérité.
Les clichés sur la Suisse ne reflètent pas le fait que le pays est l’un des plus innovants au monde et qu’il est extrêmement performant dans le secteur de la science et de la technologie. Les données du Nation Brand Index (NBI) d’Anholt-Ipsos, qui compare l’image de marque de 60 nations dans le monde, le prouvent également. Dans l’indice, pour lequel la population de 20 pays est interrogée en ligne, la Suisse ne parvient pas à se hisser aux premiers rangs dans les domaines des produits d’exportation et de la capacité d’innovation.
Apparaître comme un pays moderne
Pour réussir à exporter ses innovations, il est important que la Suisse se présente davantage comme un pays d’avant-garde et moderne. Elle en aura prochainement l’occasion lors de l’exposition universelle de 2025 à Osaka. Le pavillon suisse doit être placé sous le thème de la «Suisse innovante». L’objectif est de montrer, à l’aide d’exemples issus de la recherche et de l’économie, comment la force d’innovation de la Suisse contribue à la prospérité et à la durabilité. Cela peut aussi se combiner avec les valeurs clichées actuelles, souligne Felix Moesner. «Le fait que les Nippons associent la Suisse à l’air frais est en soi très positif. Cela montre que nous accordons de la valeur à la nature, que nous en prenons soin et que nous essayons de gérer nos maigres ressources de manière durable.»